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Expérience employé, plus qu'un buzzword, une philosophie de gestion

L’expérience-employé est sur toutes les lèvres. Si bien que la tentation est forte d’y voir une mode passagère. Un concept marketing évoquant des programmes pour séduire les employés. L’expérience-employé, c’est beaucoup plus. C’est une philosophie de gestion. Tour d’horizon sur la question.

De la science au quotidien de l’employé

L’expérience-employé repose sur un ensemble de principes de gestion issus, entre autres, des sciences du comportement, des neurosciences et des pratiques éprouvées en gestion. Elle s’inscrit dans les orientations de l’organisation et guide les dirigeants dans leurs décisions. C’est une posture, une lunette que porte chaque décideur, lui permettant de voir, comprendre et évaluer ce que vit réellement l’employé.

Pour l’employé, cette expérience se vit et se « vibre » au quotidien à travers la relation qu’il tisse avec l’organisation. Elle est teintée des perceptions, bien sûr, mais tout autant, sinon plus, des émotions qu’il ressent pendant son parcours dans l’organisation, lequel est marqué de moments de vérité (avant, pendant, après l’embauche). 

Positives, ces perceptions et ces émotions suscitent le goût de s’investir pour son organisation. En effet, pour donner le meilleur de soi, on doit sentir que l’on dispose d’un pouvoir d’agir et que l’on évolue dans un contexte où règnent confiance, soutien, reconnaissance, justice. Des conditions nécessaires à la mobilisation. 

Une question de sens

Le pilier d’une telle philosophie ? La capacité de se recentrer sur la vision et la mission de l’organisation et une réflexion de fond sur le sens du travail. Quelle valeur l’entreprise ajoute-t-elle dans la vie de ses clients ? De ses employés ? De la collectivité ? Pourquoi les employés travaillent-ils pour elle ? Quel sens accordent-ils à leur contribution ?

Des questions cruciales. Pourquoi ? Parce que le sens du travail détermine l’engagement affectif envers l’organisation. Plus, il participe à la santé psychologique. À cet égard, dans le cadre de ses recherches, la chercheuse Estelle Morin a démontré que huit facteurs confèrent du sens du travail :

  • Utilité du travail
  • Efficacité personnelle
  • Qualité des relations
  • Plaisir de l’accomplissement 
  • Éthique au travail
  • Autonomie
  • Développement des compétences
  • Reconnaissance
Selon la Commission de la santé mentale du travail, près du quart de la population canadienne vit des problèmes de santé mentale au travail. 2018

Pensons aux millénariaux, notre relève, qui carburent aux projets qui leur permettent de faire une différence. Selon Léger[i], cette cohorte sera majoritaire sur le marché du travail d’ici deux ans. Il nous rappelle que le nombre crée la tendance. Une tendance lourde. Voilà pourquoi les dirigeants ont intérêt à répondre à deux questions clés :

  • Considérons-nous nos employés comme de réels contributeurs au succès de l’organisation ?
  • Comment pouvons-nous leur permettre de devenir de meilleurs contributeurs ?

Un mouvement de transformation durable 

L’expérience-employé s’inscrit dans le même mouvement de transformation durable que celui de l’expérience-client, intégrée dans nos pratiques. Toutes deux forment un tandem indissociable. La valeur du service, telle qu’elle est perçue par la clientèle, est LA principale variable qui motive la décision d’achat, la satisfaction, et même la fidélité du client[ii].

Autrement dit, une expérience-client « WOW » dépend largement des attitudes, des comportements et de l’engagement des employés à faire vivre une expérience mémorable à la clientèle. À preuve, pas moins de 55 % des expériences positives vécues par les clients sont liées aux actions discrétionnaires et spontanées des employés : empressement, courtoisie, empathie, soutien, etc.[iii]

Le lien entre expérience-employé et expérience-client est si intime que l’on pourrait dire que le client numéro un du gestionnaire, c’est son employé. 

Les employés : leaders de la croissance 

La nécessité d’innover et de s’adapter à un monde de plus en plus complexe pousse les organisations à développer leur agilité. Or, l’agilité ne se joue pas en solo. Pour être agile, il faut consulter, encourager la participation, mobiliser employés et usagers. L’organisation doit faire émerger la créativité et l’expression de l’intelligence collective en facilitant la collaboration des employés à tous les paliers.

Exit, les façons de faire traditionnelles et la rigidité hiérarchique. La proactivité et le leadership des employés sont des leviers de croissance. On voit d’ailleurs émerger de nouveaux paradigmes organisationnels : des entreprises « libres », qui aplanissent la hiérarchie, qui mettent en place avec succès des structures plus horizontales, des organisations qui « risquent » l’autogouvernance. Une belle réussite : dans l’entreprise néerlandaise Buurtzorg, 9 000 collaborateurs travaillent sans gestionnaire[iv].

Des bénéfices organisationnels et humains 

La corrélation entre le degré de mobilisation des collaborateurs, les taux de satisfaction et de fidélité de la clientèle et la rentabilité de l’organisation est établie[v]. Les entreprises qui développent l’expérience-employé et qui se positionnent comme employeurs de choix récoltent des bénéfices tangibles :   

  • Productivité des employés de 5 à 15 % supérieure ;
  • Baisse du taux d’absentéisme de 20 % ;
  • Augmentation de la satisfaction des clients de 30 % ;
  • Attraction et rétention des talents : dans une entreprise mobilisée, les employés deviennent des ambassadeurs de la marque employeur.

La mobilisation se manifeste dans l’action, à travers des comportements révélateurs. Des employés mobilisés sont fiers de travailler pour leur entreprise, ils innovent dans leurs façons de faire, veulent contribuer activement à son succès et n’hésiteront pas à redoubler d’ardeur pour dépasser les attentes.

Quels enjeux ?

Implanter une expérience-employé engageante interpelle toute l’organisation. À commencer par les employés. Pour exercer leur leadership, ils doivent se recentrer sur leurs talents, réfléchir au sens de leur contribution. L’organisation encouragera les initiatives, les actions proactives qui ne répondent pas forcément à une directive, dans une approche plus responsabilisante.  

Les dirigeants doivent cultiver un nouvel état d’esprit et développer de nouvelles compétences. Dans un contexte où innovation et agilité sont de rigueur, de nouvelles postures de gestion s’imposent. En voici quelques-unes :  

  • Éviter le piège de chercher à avoir raison. Le progrès prime sur l’égo.
  • Accorder l’importance aux questions plutôt qu’aux réponses. Les leaders d’aujourd’hui osent poser les vraies questions, se méfient des vérités établies.
  • Écouter avec empathie et ouverture.
  • Axer son approche sur le résultat. Remettre en question sa posture de contrôle et pratiquer un lâcher-prise.
  • Être confortable dans l’inconfort.

L’entreprise doit faciliter la collaboration créative du plus grand nombre et accepter de modifier les formes d’organisation du travail pour les rendre plus agiles, plus mobiles, en s’appuyant notamment sur les technologies. Le télétravail en est un bon exemple. 

 

Selon Aon[vi]près de deux employeurs canadiens sur cinq entendent « révolutionner » l’organisation du travail.

Aligner. Mobiliser. Écouter : développer l’expérience employé en insufflant de l’AMEMD

« La gestion dénuée d’âme, ou de fond, est devenue une véritable épidémie dans la société. » Henry Mintzberg, 2019

Insuffler de l’AMEMD dans l’organisation, c’est inspirer, en partageant une vision qui donne du sens à l’engagement des personnes et qui leur permet de donner le meilleur d’elles-mêmes en renforçant l’efficacité personnelle et organisationnelle. C’est aussi offrir un espace de dialogue où elles se sentent écoutées et parties prenantes à l’organisation. C’est considérer l’organisation comme un écosystème vivant.

 

Pour développer l’expérience-employé, l’organisation doit travailler sur trois axes stratégiques interdépendants. 

1er axe : aligner

Point de départ de l’expérience-employé, un alignement clair permet à tous de travailler dans la même direction.

Quelques pratiques-clés :

  • Partager une vision inspirante et cocréer la mission de façon évolutive ;
  • Définir les valeurs de l’organisation avec les employés, les traduire en comportements observables pour donner des repères et fournir un cadre sécurisant ;
  • Évaluer la qualité de l’expérience-employé sous l’angle de l’expérience-client ;
  • Développer une culture qui favorise l’apprentissage, la collaboration et l’innovation ;
  • Évaluer la cohérence des processus et des politiques organisationnelles avec la vision, la mission, la culture et les valeurs ;
  • Communiquer régulièrement la raison d’être, les objectifs prioritaires et les résultats à l’ensemble des parties prenantes.

2e axe : mobiliser

Moteur de l’expérience-employé, mobiliser, c’est capter les talents et l’énergie positive des personnes pour réaliser la raison d’être en répondant à leurs besoins fondamentaux [vii], [viii] :

  • Autonomie – prendre des initiatives, exercer des choix, agir selon ses valeurs, être authentique ;
  • Compétence –développer ses compétences, se fixer des buts et les atteindre, être efficace et performant ;
  • Affiliation sociale – avoir des relations interpersonnelles significatives et satisfaisantes.
  • Bienveillance – faire le bien et contribuer à quelque chose de plus grand que soi.

Lorsque ces besoins sont satisfaits, nous avons les vitamines nécessaires pour fonctionner de façon optimale sur les plans psychologique, physique, comportemental et économique. Mais plus les besoins fondamentaux sont frustrés, plus les conséquences apparaissent : burnout, épuisement, performance minimale, absence.

Quelques pratiques-clés :

  • Accorder aux employés un degré élevé d’autonomie ;
  • Définir et communiquer les rôles et responsabilités des équipes interdépendantes ;
  • Faire participer les employés à :
    • L’établissement d’un plan d’action pour enrichir l’expérience-employé et l’expérience-client, 
    • La définition des objectifs organisationnels,
    • La résolution des problèmes ; 
  • Prioriser le développement des compétences sous différentes formes ;   
  • Reconnaître les efforts et la contribution des employés.

3e axe : écouter

 « La seule façon d’obtenir l’engagement de quelqu’un, c’est de l’écouter ! », disait Tom Peters. Les êtres humains veulent être écoutés, respectés, compris. L’écoute et l’empathie sont des conditions sine qua non du succès de l’expérience-employé parce qu’elles réunissent le capital de confiance nécessaire à l’engagement.

 

Écouter. Un verbe d’action. Une organisation innovante déploie les conditions pour encourager les employés à s’exprimer. Elle sait que leurs idées sont la source de l’innovation et a compris qu’en s’appuyant sur l’intelligence collective de ses employés, elle peut décupler sa performance.

 

Quelques pratiques-clés :

  • Miser sur l’accessibilité des dirigeants, sur leur présence sur le terrain ;
  • Valoriser une communication authentique ;
  • Déployer des moyens dynamiques de communication pour maintenir un dialogue ouvert avec les employés (de haut en bas et de bas en haut) ;
  • Sonder les employés sur la qualité de leur expérience.

Osons le virage de l’expérience-employé

Qu’ont en commun les entreprises inspirantes ? Elles ont pris le virage de
l’expérience-employé. Virage désormais inévitable qui appelle au leadership transformateur des dirigeants, des gestionnaires et des professionnels en RH.

Osons transformer nos organisations en milieux de vie inclusifs et épanouissants. Osons poser les vraies questions et mettre au jour les freins à l’engagement. Ouvrons des espaces de dialogue pour libérer la parole. Développons l’empathie organisationnelle pour créer un climat d’ouverture et de confiance. Apprenons à laisser émerger les choses afin que se trace l’histoire, que se dévoile l’âme de l’entreprise.

Dès lors, tout est possible.

Références

[i] Jean-Marc Léger, président fondateur de Léger, lors d’une entrevue donnée à l’émission Bien entendu, sur Radio-Canada, Ici Première, automne 2019.

[ii] Parissier, Catherine, Proposer une expérience de service créatrice de valeur pour les clients, Revue Gestion, volume 33, numéro 4, hiver 2009.

[iii] Schneider et al., 2005, cités par Michel Tremblay, professeur titulaire aux HEC dans le cadre du colloque annuel HEC-ORHI, juin 2010.

[iv] Laloux, Frédéric, Reinventing Organizations, Éd. Diateino, 2016.

[v] Heskett et al., The Service Profit Chain, 1997.

[vi] Schmouker, Olivier, « Voici comment les employeurs voient le retour au travail ! », dans Les Affaires, 19 mai 2020.

[vii] Forest, Jacques, CRHA, Crevier-Braud, Laurence et Gagné, Marylène, Mieux comprendre la motivation au travail, dans Effectif, juin , juillet, août 2009 [en ligne : www.portailrh.org/effectif] (consulté le 17 août 2020). À lire également : Forest, Jacques, La motivation au travail. Psychologie positive au sein de la francophonie – Perspective & prospectives, Journée de conférences, UQAM, juillet 2017.

[viii] Frank Martela, Université Aalto, Helsinki, frankmartela.com.

 

 

Note : Cet article a été retenu comme un des meilleurs articles de la revue RH, publiée par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. 

Le meilleur, Redécouvrez quelques-uns des meilleurs articles des dernières éditions de la revue RH, dans le numéro juillet-août, 2022 Vol.25, p. 42.

Louise Bourget, experte de l'expérience-employé

Louise Bourget, CRHA

Consultante en formation et en développement organisationnel. Membre agréée de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec.

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